vendredi 25 février 2011

Quête intime

En réponse à cet article-ci qu'a publié mon ami sur son tout récent blogue, « Marginalité cartésienne ».

« La vie a-t-elle un sens ? »

Il m'était venu l'idée de répondre à cette question en subdivisant ma pensée ; soit en fonction que Dieu existe, ou qu'il n'existe pas. Toutefois, mes arguments visant à démontrer que la vie a un sens ne se fondant pas principalement sur Dieu et une promesse intangible de vie éternelle, paradisiaque (au contraire, la plupart de mes arguments sont indépendants, pour ainsi dire, de ce questionnement divin), je laisserai mes pensées d'une logique plus ferme côtoyer mes espoirs spirituels. Ainsi plutôt que de réfuter tous les points en deux temps, de par deux catégories de réponses différentes pourtant par rapport aux mêmes questions, les arguments de toutes sortes se côtoieront.

Par Dieu, premièrement, je ne réfère pas à un être nécessairement ; je me le figure davantage comme « la totalité », comme la Nature pour reprendre l'expression de certains philosophes. Par exemple, si l'on peut isoler certaines de mes cellules et les observer, ces cellules participent d'un tout, qui est moi-même. Ainsi, Dieu, c'est peut-être la totalité des choses qui existent ; peut-être y a-t-il donc, dans cette mégastructure, une certaine unité, une logique, une harmonie ; voilà d'ailleurs pourquoi nombre de scientifiques, - des physiciens notamment -, s'émerveillant de cette logique implacable et prodigieusement bien conçue des structures de l'infiniment plus petit, de l'inanimé comme de ce qui est doué de vie, voilà donc pourquoi nombre de scientifiques croient en un être suprême, possédant une capacité à « organiser ».

« Dieu », c'est peut-être également des règles inconnues de la Physique ? C'est-à-dire : en priant, par exemple, peut-être utilisons-nous des « ressources inconnues » de la vie, qui pourtant nous sont accessibles... J'ai personnellement déjà reçu réponse à mes prières. Je ne suis pas le seul à qui cela est arrivé. Mais bref, cela revient à la même chose que ce dont je parlais plus tôt : il s'agirait d'une structure et d'une logique plus grandes que ce que nous sommes aptes à concevoir.

« Tout le monde vit un nombre de temps aléatoire et meurt après un temps aléatoire. Certaines vies comme celle d'un bébé qui meurt à l'accouchement, semblent insensées et le final de la vie est toujours la mort. Peu importe ce que tu accomplis de bien ou de mal, tu peux, à tout moment sans favoritisme de la vie jamais, vivre du bonheur ou du malheur. Certains naissent héritiers de fortune colossale et d'autres dans la misère noire. »

C'est vrai. La vie est par nature injuste. Mais qu'en serait-il si la vie était juste ? Là, la vie ne ferait aucun sens. La justice serait, par définition, uniforme : nous aurions des vies de la même durée, nous ferions les mêmes choses durant ces existences chronométrées, nous aurions la même apparence physique, la même façon de penser, etc. On me dira : c'est une extrapolation extrême. Ce n'en est pas une. C'est un raisonnement par l'absurde, ayant pour but de démontrer que, en dépit de son apparente imperfection, la vie est bien calibrée. (Mais cela n'exclut pas toute souffrance : elle est nécessaire ; je suis loin d'être un adepte du dolorisme : j'accepte seulement la souffrance comme fait inévitable ; et, dans la même optique que la résilience chère à Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, je crois que l'on peut tirer avantage de certaines de nos souffrances, même si sur le coup elles nous rendent profondément amers et déstabilisés.) Si l'on supprimait un seul facteur aléatoire de la vie - le temps après lequel on meurt pour l'exemple en cause -, non seulement on soupçonnerait une très louche incohérence dans la structure nous faisant office de monde, mais cela engendrerait une autre injustice : certains auraient vécu paisiblement, d'autres auraient mené des vies de débauche, et pourtant, la mort aurait sonné à la même heure, soit après un même laps de temps. Et si l'on supprimait cette injustice-là, pourquoi (si on le pouvait) ne pas supprimer les autres injustices, jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus aucune, tel que dans le scénario absurde susmentionné ?

Ensuite, affirmer que « le final de la vie est toujours la mort », même si elle est effroyable et inéluctable, n'est-ce pas affirmer que la vie égale la mort ? Si je vais à une exposition au musée, je ne dirai pas, en sachant pourtant qu'il y aura une fin : «Le but de l'exposition au musée est la fin de l'exposition au musée»; car entre-temps, j'ai eu du plaisir, à cette exposition. Ensuite, n'est-ce pas la mort qui... colore la vie ? Si nous étions éternels sur cette Terre, nos esprits humains nous laisseraient-ils goûter à la vie de la même façon ? La mort est profondément naturelle, et je ne peux pas me figurer un monde sans cette ultime fin : sans quoi, les sentiments seraient selon moi affadis de manière substantielle. Si, par exemple, et par analogie, c'est la peur qui rend le courage magnifique, je crois que c'est la menace de la mort qui insuffle à la vie une certaine part de son excitation. Cela ne signifie pas que la mort est en soi agréable, mais que cette damnation éternelle (à supposer qu'il n'y ait pas de vie après la mort) participe d'une dynamique complexe, dans nos esprits.

Pour ce qui est de cette affirmation (« Peu importe ce que tu accomplis de bien ou de mal, tu peux, à tout moment sans favoritisme de la vie jamais, vivre du bonheur ou du malheur »), voici ce que j'en pense : c'est comme au Poker, selon moi. La vie est très aléatoire, tout comme le Poker, mais moyennant un talent X, on pourra progresser de façon assez stable, en dépit des fluctuations du hasard (au Poker, n'est-il pas formidable de faire un grand gain d'argent après une période de sécheresse ? Il en va de même pour les émotions humaines). La question serait alors, analogiquement, pourquoi tous les joueurs de Poker n'ont-ils pas le même talent, la même capacité à garder leur sang-froid ? Il y a des ''strates'' de joueurs, évoluant sur des plans différents. Cela ne signifie pas que tel ou tel joueur est supérieur ; mais plutôt que d'autres conditions, extérieures au jeu, l'ont influencé. Il en va de même dans la vie : en dehors de notre destin individuel, d'autres éléments du sort influent sur nous.

J'aime me figurer la vie simultanément à l'échelle microscopique (les destins des hommes et des femmes pris individuellement) et à l'échelle macroscopique. Dans ce deuxième cas, je vois les familles, les nations, les cultures à la rigueur, les races, et l'humanité elle-même comme autant de créatures ; des organismes évoluant dans des organismes, pour vulgariser mon idée. Si l'on naît damné, ce n'est pas notre faute, mais il faut selon moi observer l'organisme dans lequel on naît ; si notre famille a pris de mauvaises décisions, alors il se peut qu'on paie le prix pour cela, du moins en partie, car on en est issu. Mais c'est de façon plutôt subtile parfois, car nous appartenons simultanément à plusieurs groupes, plusieurs cultures, et à cela se mêlent nos décisions individuelles propres...

Au demeurant l'humanité et l'homme ont ce cadeau que l'on nomme libre arbitre : nous décidons de notre sort (ou plutôt de « l'orientation » qu'on lui donne, tel un bateau en mer), de nos actions.

Mais rapidement, l'homme se sent affligé. Il dira par exemple : « Il y a tant de maladies ! » ; saviez-vous qu'une multitude de maladies, ironiquement, sont issues du Progrès ? Le Progrès bouleverse nos vies, nous force à vivre autrement. La morale change, l'interaction entre les sexes se modifie, nous sommes entourés de technologie, nos passe-temps ne sont plus les mêmes, nous sommes sédentaires, souvent mal alimentés... Et la liste est longue.

« Il est défendu à l'homme, sous peine de déchéance et de mort intellectuelle, de déranger les conditions primordiales de son existence et de rompre l'équilibre de ses facultés avec les milieux où elles sont destinées à se mouvoir : en un mot, de déranger son destin pour y substituer une fatalité d'un nouveau genre », disait Baudelaire au sujet de certaines drogues ; « déranger son destin pour y substituer une fatalité d'un nouveau genre » ; en voulant se transformer, évoluer, c'est cela même que l'humanité fait. Il s'en reflète dans ses plus petites particules, l'humain.

Tout a un prix. Tout Progrès s'accompagne de contrecoups. « Monter, c'est s'immoler : toute cime est sévère », disait le grand Hugo.

On naît de l'humanité, d'une culture, etc. ; on meurt avec, et parfois par elle.

On pourrait dire : « Mais non, je n'ai pas à payer telle ou telle faute de l'humanité (ou de tel groupe) » ; c'est bien sûr une vision profondément individualiste ; mais j'y réponds quand même : il ne s'agit pas de payer pour les fautes d'autrui, mais plutôt d'accepter les contrecoups d'une évolution globale.

« La vie est insignifiante ; quand vous serez mort, vos enfants pleureront votre départ et raconteront à leurs enfants combien vous étiez un être bien puis, 100 ans plus tard, plus personne ne sera là pour se souvenir de vous et votre existence ne sera plus qu'un petit texte écrit à quelque part, un graffiti esquissé à quelque part ou une photo jaunie dans une commode. Une infime marque qui durera maximum qu'un éphémère 200 ans sur une infime planète dans une infime galaxie. »

Pourquoi faudrait-il qu'on se remémore qui nous étions, cent ans plus tard ? Ou bien une personne a contribué à sa vie et à la vie des siens, ou bien, en plus d'avoir fait la précédente chose, elle a contribué au sort de sa ville, de sa nation, voire de l'humanité. Dans le cas où une personne a voulu être aimée par ses proches, ses proches l'aimeront même lorsqu'elle sera décédée ; si un individu a été un colossal bienfaiteur pour sa ville, parions que sa ville se souviendra de lui ; et si nous sautons tout de suite à un extrême, l'humanité ne se souvient-elle pas de Da Vinci, singulier génie ? Si Da Vinci avait été un bon père de famille, et rien de plus, pourquoi aurions-nous dû nous souvenir de lui ? Il y en a tant, des bons pères de famille ! Cela dit, ses proches, ses enfants se seraient souvenus de lui après sa mort, pleins de souvenirs et sentiments positifs baignant dans leurs coeurs.

D'ailleurs, si dans 100 ans nous ne serons plus là, la progéniture de notre progéniture, elle, courra sur cette Terre ; à nouveau, j'incite à ce que l'on se figure la vie à échelle macroscopique. Notre progéniture, c'est nous ; nos ancêtres, nous sommes eux.

Du reste, bien que cela semble ironique par rapport à ce que j'ai dit, même si ce ne l'est pas, il ne faut pas mêler les « niveaux d'organisation » (ils sont nombreux, de l'infiniment plus petit jusqu'à l'infiniment grand, en passant par l'homme et sa biologie, pour ne nommer que cela) ; tout est relatif, on le sait. On ne peut pas banaliser en disant « que la terre est un caillou » dans l'univers ; il faut se mettre à la bonne échelle.

Ainsi tantôt lorsque je disais que j'aime alternativement voir la vie à échelles microscopique et macroscopique, je parlais du destin des hommes et des « entités » (cultures, pays, etc.) auxquelles correspondent ces individus ; lorsque, dans le précédent paragraphe, je dis qu'il ne faut pas mêler les niveaux d'organisation, cela est par rapport à la valeur des choses ; si un électron peut sembler absolument banal à notre échelle, à son échelle à lui, dans l'ordre auquel il contribue, il se peut qu'il soit essentiel.

« En attendant que la vie après la mort soit prouvée ou que ce concept de mort soit d'une façon ou d'une autre faux et d'invention humaine, je crois qu'on peut dire en toute tranquillité que la vie est insignifiante et n'a aucun sens. »

Si la vie après la mort était parfaitement prouvée, n'y aurait-il pas des individus qui se suicideraient par millions ? Est-ce dans notre intérêt de le faire, c'est-à-dire de parfaitement prouver l'après-vie (si d'abord nous en étions capables) ? Je préfère avoir une vague idée qu'une idée claire, dans ce domaine. La vie humaine s'en trouverait par trop changée si nous savions avec certitude que, de l'autre côté, il y a une autre forme de vie, assurément plus riche. La vie n'aurait plus le même goût, les enjeux seraient différents, personne n'aurait peur. Ce serait un non-sens incroyable.

Sinon, il est faux de dire qu'il n'y a aucune « preuve » ; naturellement, ces preuves ne convaincront jamais tout le monde, il subsistera toujours un doute ; ceci s'inscrit dans l'idée que j'ai exposée plus haut de toute façon.

La vie après la mort n'est pas une chose que l'on peut analyser en laboratoire. Il faut procéder autrement.

Que dire des recherches incroyables du scientifique canadien Ian Stevenson qui s'est dévoué, de son mieux, à la recherche sur... la réincarnation ? N'y aurait-il pas là une preuve, ou disons, pour être prudent, une suggestion, à l'effet que l'âme puisse exister ?

Je me souviens également de ce reportage scientifique où l'on relatait qu'une femme affirmait sortir de son corps, la nuit, et flotter au-dessus d'elle-même, dans son sommeil, s'observant longuement... Un scientifique lui avait dit : « Parfait. Si c'est le cas, nous allons vous faire dormir dans une salle où vous serez surveillée. Il y aura une bibliothèque à côté de votre lit, et un long numéro sera inscrit sur un bout de papier, sur le dessus de cette bibliothèque. Si votre âme vous permet de flotter au-dessus de votre corps, la nuit, alors vous pourrez voir ce numéro, et nous le dire le lendemain matin » ; selon le reportage, la dame y était parvenue !...

Et que dire des études sur l'expérience de mort imminente ?

Pour peu qu'on se donne la peine de chercher dans les souterrains de la science, dans de brillantes réflexions et observations d'auteurs, on trouvera (dans une mer d'occultisme, certes) que la vie recèle des propriétés étonnantes. Plus je progresse dans mes lectures, plus je me persuade de l'existence de Dieu et du paradis.

Me viennent en tête les auteurs Charles Fort, Jacques Bergier, Louis Pauwels, je songe aux scientifiques Carl Gustav Jung, Einstein (qui parlait souvent de Dieu (ce n'est pas le seul scientifique à l'avoir fait)), Ian Stevenson ; et me reviennent également des extraits de textes religieux, de textes philosophiques... Cette mosaïque me laisse soupçonner des réalités invisibles...

Enfin, moi, que voulez-vous, je suis un adepte de la croyance à l'effet qu'il y a une terre promise, un prodigieux Paradis, là où les destins seront réparés, là où toutes les imperfections de la vie terrestre seront épongées, toutes les souffrances soignées ; mais ce n'est pas une pensée échevelée et gratuite, une naïveté incommensurable. Autrefois, je pensais comme cet ami, auteur du texte que j'ai réfuté, tout comme lui imperturbablement agnostique, voire athée. La vie a cependant voulu me montrer autre chose...

Bien sûr, le malheur, la mort ne seront jamais soignés ou arrêtés par quelques mots porteurs de positivisme ; mais ces fatalités, en les percevant d'un oeil sans espoir, n'ont-elles pas lieu deux fois ? Une fois dans la réalité éprouvée, une fois, par effet d'écho, dans l'âme ?

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