vendredi 4 octobre 2024

Architecte littéraire

Plus jeune, mon souhait, simple et naturel, si simple et naturel que je pourrais me demander pourquoi il ne s'est pas concrétisé (réponse : un enfant a le droit de rêver sans que ses rêves se concrétisent, un enfant a la liberté d'être tout ce qu'il souhaite être dans le futur), c'était d'être architecte. C'était un rêve plein d'amour et plein de bon sens. Le dessin, une activité où je me démarquais. J'ai eu une phase où j'aimais dessiner des maisons (de devant), avec beaucoup de détails. Jubilante union de la créativité et de l'exactitude rectiligne.

En vieillissant, je me suis reconnu dans ces profils doubles, ces profils alliant créativité et logique. Le premier à m'avoir épaté, c'est bien sûr l'ingénieur romancier, Boris Vian !

Il y en eut plusieurs. Je me souviens de cette lecture – je n'ai pas de mémoire photographique me permettant de savoir où les mots se situaient sur la feuille, mais ma mémoire épisodique me permet de savoir où j'ai lu ces mots, où ils me sont revenus en tête – dans laquelle Baudelaire disait de Poe que ce dernier avait une nature rare, alliant poésie et esprit mathématique. J'aimerais retrouver les mots de Baudelaire, qui étaient pénétrants, puissants, en vérité si évocateurs.

Je réalise, tandis que les années passent, comme cette observation n'était pas anodine.

Il me brûle d'exposer mes démarches dans ces deux branches, mais une superstition raisonnable me souffle que ce ne serait pas une bonne idée. Pas tout de suite. Pourquoi écrire ici que, d'octobre à décembre 2023, les soirs et le week-end, au café, j'ai retapé 101 189 mots de différents auteurs que j'aime et qui me nourrissent ? Pourquoi révéler que j'ai utilisé des techniques de scénarisation, comme le storyboard, pour un projet en prose ? Et pourquoi ne pas affirmer qu'en contraste, dans l'acte créatif même, j'ai puisé à une émotion brute qui eût fait sourire Bobin, qui a écrit promets-moi d’écrire la phrase dans son entier quand tu feras ce livre, sinon tu ferais de la littérature et il ne faut jamais faire de littérature, il faut écrire et ce n’est pas pareil, promets-moi ? Parce que ce n'est qu'une fraction de la pointe de l'iceberg, et que ça ne ferait pas justice à tout ce que j'ai entrepris.

Le Voldemort-littéraire-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom m'a déjà fait le plus beau cadeau qui soit, qu'il m'est arrivé de consulter périodiquement, lorsqu'il m'a écrit : 

« Suis captivé par le parallèle entre la révélation progressive de ta parole et celle de ton image, ces deux parties du tout identitaire. J'y vois un signe de plus d'un travail orienté, lié, axé sur la construction de l'édifice plutôt que la seule fabrication de briques, ce trait frappant chez toi, plus même que ton talent déjà fort rare, pour la simple raison qu'il n'est pas rare, ce trait: il est rarissime. Or, sans lui, pas d'Oeuvre. Essaie, pour voir: je parie que tu peux nommer comme ça sans difficulté en une minute cinq ou dix Oeuvres sérieuses et même importantes bâties par des talents pourtant moyens. Ché pas, moi, Michener mettons, ou Galsworthy, ou Ducharme, ou Molière, ou Irving. Mais combien peut-on en nommer où le talent transcendant a suffi sans ce trait? Pas des masses, évidemment: déjà, tant de talents transcendants sont étouffés dans l'oeuf, tant d'autres étouffent leurs possesseurs, ou s'étouffent eux-mêmes (ceux dans l'oeuf, on sait pas leurs noms; les seconds, à titre d'exemples, seraient illustrés par Cocteau ou Capote, et Scott Fitzgerald, à l'écriture trop parfaite, me semble avoir été des troisièmes). Cocteau, Capote, F. Scott, trois talents transcendants, chacun ayant produit de transcendants ouvrages mais pas, en somme, d'Oeuvre. Pas d'édifice. Une pile de briques d'or demeure une pile de briques. Ça fait que, anyway, ce trait-là, si tu l'as, prends-en soin! »

Est-il besoin de préciser qu'il a stimulé ma vocation d'écrivain ? Oui, assurément, et je lève les bras aux ciels pour le remercier. Merci, vieux, tu as vu en moi un architecte littéraire.

jeudi 3 octobre 2024

L'impératrice Swift à l'assaut des brutes



En faisant une petite recherche sur la noble, rayonnante et presque-intimidante-tant-elle-est-belle-et-talentueuse Taylor Swift – j'aime bien sa chanson Shake It Off, qui me revient en mémoire aujourd'hui (la chanson par excellence contre les haters, n'est-ce pas ?) – je suis tombé sur ce propos de Robert Charlebois. Cré Robert, ça m'a fait rire !

« J'aime la poétesse, j'aime la chanteuse. Elle m'imite depuis qu'elle est sortie de la maternelle. J'ai refait mes bandes, elle refait ses bandes, je fais un album double, personne n'en parle, elle fait un album double, [...] je fais du folklore, elle fait du folklore, je fais du country, elle fait du country... Elle fait tout comme moi, c'est juste ici que ça se gâte un peu (au sujet de son visage) »

Variations atmosphériques au café


Ahem, hum, j'me demande encore comment je pourrais pousser un chant littéraire au moyen d'une langue rafraîchissante, empruntant au panache classique et pourtant hypnotisante ; une langue qui serait une science inclinant au frisson, l'ensorcelante fusion de la clarté et de l'opacité. Ce blogue, où je pourrais parler de n'importe quoi vraiment, est, ou pourrait être, ou ne devrait-il pas être ? l'endroit où je manipule, développe et fait émerger cette pousse linguistique, cette langue qui bouscule en souriant. C'est pas que dans mes livres, sapristoche fantoche ! que je dois ouvrir les valves de l'émotion et orchestrer des tensions neuves. Tentons, essayons, les récits journalistiques me laissent sec et sur ma faim. De marbre, ma foi. Let's go !

Donc, ce café, ce petit café qui m'est pleinement familier, héhé. Ce lieu d'émerveillement et de médisances. Savez-vous comment on crée le matcha ? Il faut un petit fouet en bambou, du snobisme ce n'est pas, un geste rare et superflu ce n'est pas, c'est juste que pour faire du matcha, les particules de la fine poudre moulue doivent se disperser suivant une turbulence induite : les fines tiges de bambou du chasen, avec leurs vibrations, permettent aux particules de se disperser correctement dans le liquide. Ces vibrations, j'adore ; les vibes que j'aime moins sont autres. Lessivées et acides, certaines essaient de vous en faire baver. Entouéka. Je ne mange pas de cette brioche-là, moi, je ne suis que le client. Aspirant à son espace de candeur approximative, sa bulle salutaire, sa parenthèse irradiant comme une aura.

Quoi qu'il en soit, il fallait que quelque chose de bien, de bon, de bien bon émerge de cet endroit aujourd'hui. Et c'est ce qui s'est passé. Rééquilibrage. Premier truc qui a pincé, bon, j'intuitionne, je sais pas, je suis pas neuroscientifique (encore !), je dirais que le premier truc qui a pincé mon cortex préfrontal et mon cortex cingulaire antérieur, qui leur a signalé une nouveauté, c'était la présence de plein de gens ! Quoi, plein de gens ! Dans mon café ! Qui êtes-vous ! Un événement privé ! Ma foi ! C'est ça ! Est-ce ça ? J'entre... Plein de belles personnes. Mais des clients réguliers aussi. Bon. On m'explique qu'il y a eu une projection. Des films d'animation.

Et la fille du propriétaire était là. Il m'a montré, plus tard, sur YouTube, la vidéo pour laquelle elle s'est qualifiée pour un festival, si j'ai bien compris.

Mise à jour : J'avais mis la mauvaise vidéo !

mardi 1 octobre 2024

Le chant des sorcières II

Elles m'offrent la chance, j'oserais dire qu'elles ne me laissent pas le choix. Je préparais le texte précédent quand j'ai ouï un autre chant, pour amener ça comme ça. Je n'ai eu qu'à harmoniser les titres des deux billets.

Les chuchotements, au café, sont parfois des poignards perfides. Heureusement que j'ai mon armure millénaire. Sinon, un ami avait déjà judicieusement souligné ceci : les chiens aboient, la caravane passe.

Oh, dear, pas vrai, pas vrai ?
Dis, qu'on n'aime pas c'qu'il écrit ?
Damn right, que c'est vrai,
Qu'on n'aime pas ce qu'il écrit !
Il fait toutes sortes de métaphores
Compliquées que seul lui comprend.
Cela ne peut que susciter le dégoût, non ?
Oh, dear, pas vrai, pas vrai ?
Qu'on n'aime pas c'qu'il écrit ?
Damn right, que c'est vrai,
Qu'on n'aime pas ce qu'il écrit !
Pourquoi le mentionne-t-on, alors ?
Pourquoi parle-t-on dans son dos ?

Toi et moi, pas vrai, pas vrai,
On aspire à écrire, non ?
Damn right, que c'est vrai,
Qu'on aspire à écrire !

Et toute la réponse était là.

Le chant des sorcières I

Célébrons l'Halloween un peu en avance avec les mots de Shakespeare.

Je désirais me laisser une note pour revenir à ces mots le soir de l'Halloween – mais au diable cette idée, car ce soir-là, je passerai l'Halloween avec mon garçon, et je ne vais certainement pas perdre mon temps sur mon blogue.

Voilà donc le chant des sorcières ! Je suis heureux de vous présenter ce texte, magnifiquement ludique, aux mots qui bondissent – extrait de Macbeth :

Double, double toil and trouble;
Fire burn and caldron bubble.
Fillet of a fenny snake,
In the caldron boil and bake;
Eye of newt and toe of frog,
Wool of bat and tongue of dog,
Adder's fork and blind-worm's sting,
Lizard's leg and howlet's wing,
For a charm of powerful trouble,
Like a hell-broth boil and bubble.

Double, double toil and trouble;
Fire burn and caldron bubble.
Cool it with a baboon's blood,
Then the charm is firm and good.

lundi 30 septembre 2024

Sous-titre de ce blogue !

Blogue littéraire (et un peu geek ?) de Guillaume C. Lajeunesse.

Aussi bien assumer. Nouveau sous-titre : Blogue littéraire et geek.

Réflexion à brûle-pourpoint sur Shakespeare et la traduction littéraire

Petite réflexion que j'ai écrite ailleurs, mais qui trouve sa place ici :

Je trouve que Shakespeare est très mal « desservi » dans les différentes traductions des sonnets : on a balancé la métrique, on a balancé la forme, on a balancé l'émotion, et on prête à Shakespeare, par un contresens culturel étonnant, une sorte de snobisme qu'il n'avait pas. Il avait du talent, mais c'était écrit avec une grande simplicité ; beaucoup de pureté, et d'amour. Et je reviens sur la métrique, etc. : c'est complètement dénaturer un sonnet si l'on écrit autre chose qu'un sonnet. Il y a une alchimie précieuse qui découle du sonnet. Si l'on écrit sans cette forme, on n'écrit rien, on écrit quelque chose à côté !