vendredi 7 juin 2024

La poésie est une drogue dure et douce à la fois

Ça m'a tout l'air d'une espèce de chronique. Alors chroniquons.

La vision, si proche et fuyante à la fois, commence à m'échapper. Je sors ma canne à pêche lyrique in extremis !

Je ne pouvais pas laisser la muse de l'inspiration plonger sur le papier, car, au moment où ce flash était lancé par le phare de l'imaginaire¹, je jouais mon rôle de père, et non celui de po-wète.

Mais justement !

Regardant avec mon fils une émission qu'il apprécie, affairés que nous étions à déguster de menus Mr. Freeze, quelque chose comme une expérience émotionnellement réparatrice prit place. Cette scène me reliait à celles de mon enfance.

Du bonheur dans un cadre structuré (je me permets le pléonasme).

Puis je me suis demandé ce que c'était, que d'être père. Un père ne doit-il pas être calme, tempéré, voire plate ? Rassurant, par-dessus tout. Oui, oui, oui et oui encore.

Mais qu'en est-il des gens qui ont des pères, disons, hors normes ? Je me souvins spontanément du père de mon ami d'enfance Guillaume C. (oui, c'était son nom). Bien que mes souvenirs soient imprécis et que ma compréhension d'alors fût incomplète, je me souviens de cet homme comme d'un ex-flyé passablement assagi après une vie rock n' roll. Ou qu'en sais-je ? Qu'importe, l'archétype existe.

Amusé, je me suis dit qu'un jour mon fils parlerait peut-être de son père comme d'un homme qui, dans ses jeunes années, a sombré dans l'enfer de la poésie.

Et c'est là que m'est venu le titre, qui compare la poésie à une drogue.

Des pensées, teintées d'autodérision, me venaient :

Ouais ! À vingt ans, tu touches à ça, tu es parti sur un sapr'esti de trip. T'étais sage comme l'image d'un sage. Te voilà les poches pleines de visions et de calepins décharnés.

À presque quarante ans, annexé à une nouvelle stabilité éternelle, si loin de cet ancien paradis artificiel, tu regardes les scènes de ta vie avec étonnement.

La fabrication d'un poème appelle la fabrication d'un autre ; et un troisième poème naît et un quatrième et mine de rien tu as oublié de te faire couper les cheveux et tu as l'air mystérieux dans l'autobus à griffonner des choses et ton meilleur poème attire une fille ;  vous voilà en couple et voilà qu'elle porte des jupes jaunes pleines de motifs et vous ricanez et voilà qu'un autre poème apparaît, celui-là te vaudra un ami vaurien surréaliste, un ami rock et baroque, et ce énième poème une réputation de dur à cuire ; et tu es entraîné vers le centre-ville de Montréal à visiter tous ces lieux que tu n'aurais jamais imaginé visiter ; bientôt tu versifies plus que tu vis ; attention, certains soirs, tu attrapes des airs spleeneux.

Voilà. Mais c'est du passé. Maintenant, à la croisée libératrice des âges, tu es encore suffisamment jeune pour écrire des poèmes, ne serait-ce qu'au compte-gouttes plutôt qu'à pleins robinets, mais tu es également assez vieux pour être sage, ordonné, rassurant.

¹ Ce sera moins lourd qu'une parenthèse : rien d'anormal, précisons-le ; des développements littéraires fulgurants - bribes de poèmes, scénarios de nouvelles littéraires... - me viennent presque quotidiennement.

2 commentaires:

  1. Ce jeune homme aux chemises décorées de nuances, celui qui savait décrire toutes les saveurs des cumulus, celui dont les yeux brillaient de possibles à bâtir, c'est de cette même magie qu'il nourrit l'imaginaire de son enfant ! Je crois que la poésie se glisse en nous,toujours. La poésie, c'est nous. Toujours.

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  2. Mon fils, j'espère marquer son imaginaire positivement. Je lui souhaite un papa calme, posé, stable. Si je peux également lui transmettre le goût de la poésie, tant mieux !

    Savoureux et vif portrait que tu fais là. Presque surréel. Tu es presque en train de me convaincre que j'ai été un poète ! Eh, les nuages, c'est magnifique. J'en ai photographié, aujourd'hui, à partir du 19e étage à mon travail. Je sais pas si les photos font justice au vertige de la baie vitrée, et à ce panorama de minuscules choses.

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