vendredi 8 décembre 2023

Comment on acquiert de nouvelles lunettes cristal quand on prête main forte

Il faut d'abord, le matin où l'on veut acquérir de nouvelles lunettes, se faire vacciner contre la Covid-19 et la grippe non numérotée. Pas qu'il y ait de relation entre ces deux activités, mais c'est ainsi que le samedi matin débute. Une aiguille dans le deltoïde droit, une dans le gauche, et le tour est joué. Même pas mal ! Qu'une petite lourdeur au lieu de l'injection...

Après, tu consultes Google Maps, et réalises que les boutiques d'optique envisagées sont fermées le samedi. Alors, tu abandonnes le plan. Tu décides de cheminer vers une librairie...

Donc tu marches jusqu'au métro Mont-Royal, le secteur étant riche en bouquineries. Là, tu consultes Google Maps derechef. Tiens, à 290 m, une lunetterie ouverte !

Comme tu consultes Google Maps trop vite, tu vas du mauvais côté de Saint-Denis. Tu retraverses, au coin de Marie-Anne. Cette intersection est charmante.

Tu trouves la boutique ! Avant d'entrer, tu entends une dame derrière toi. Que dit-elle ? Tu ne sais pas... Elle entre aussi.

Il se trouve que c'est l'opticienne.

Tu lui exposes le plan. Pour synthétiser celui-ci, qui implique de petites montures rondes visant à dissimuler l'énorme myopie, et un matériau style cristal, c'est-à-dire en acétate de cellulose (parce que tu trouves ça joli, d'autant plus que les verres, blancs et épais de profil, aux extrémités, se fonderont bien à une monture du genre acétate), pour résumer tout ça, tu dégaines ton téléphone, et tu montres la tronche de Bernard Werber. Sur la photographie, il arbore pareil modèle.

Elle aime l'exemple. Elle t'informe par ailleurs que Bernard lui a déjà acheté des lunettes !

Isabelle, l'opticienne, prend le temps de te montrer diverses montures. La première en particulier est remarquablement semblable à ce que tu imaginais. Ce sera celle-là.

Une fois les démarches bien entamées, penchée sur la commande, elle relève la tête. Voudrais-tu 20 $ de rabais sur ta facture ? Tu n'aurais qu'à nous aider à déplacer un meuble. Il est vraiment gros. Tu acquiesces, parce que tu es un gentilhomme et parce que tu y vois un rappel de la vie : n'oublie pas de t'entraîner.

Le partenaire de l'opticienne, Luc, s'approche. Il est ravi mais surpris. Il dit qu'Isabelle ne pourrait pas le soulever avec lui. Plus grand que toi, costaud, il te jauge, et conclut que tu es assez baraqué dans ton genre. Il sourit de nouveau, devant l'improbabilité d'une telle découverte : un client doublé d'un déménageur.

Il te met en garde. Le gigantesque meuble oblong, une vitrine d'exposition, est composé de deux morceaux. Le premier, plus petit, est vitré. Le plus gros, qui n'est pas vitré, lui inspire le surnom le monstre.

Ton enthousiasme est inaltéré.

Une fois les détails de la commande complétés, et les indications remises pour l'examen de la vue (l'optométriste suggéré, Alain, œuvre à une autre adresse), Isabelle enchaîne avec cette précision : Je t'ai vu sur la rue, j'allais t'interpeller, pour que tu nous aides avec le meuble ! Mais tu es entré juste avant. Drôle de hasard !

En effet.

Luc rapproche son véhicule de la boutique.

Les deux parties de la vitrine d'exposition, que tu portes avec Luc, s'avèrent d'une bonne lourdeur, mais c'est gérable. L'aspect ardu de l'opération réside dans la prise. Ça coupe les doigts et ça glisse.

Opération réussie ! On passe à la caisse pour l'acompte. Finalement, on t'offre une déduction de 25 $. Tu protestes doucement, pour la forme, mais tu es heureux, car tu allais à la librairie, te rappelles-tu. Et eux sont fermes : 20 $, ce n'est pas assez.

Souriant, Luc te demande si tu peux à présent l'aider à mettre le meuble en place. Ben oui, pourquoi pas ? On déplace la base. On empile.

Une cliente demande en riant si les clients doivent toujours travailler comme ça.

Parle, parle, jase, jase. Tu as trouvé deux sympathiques âmes.

Le lendemain, l'effet des vaccins, sans doute, l'effet du workout improvisé, peut-être, le lendemain ton corps est courbaturé, noueux, à vif. Un beau souvenir de cette rencontre.

Quelques semaines plus tard, étant passé chez Alain l'optométriste entre-temps, tu reçois tes nouvelles lunettes.

Tu les aimes beaucoup. Tu vois clair, d'une clarté limpide.

Voilà : c'est aussi simple que cela, se greyer de nouvelles barniques !

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