mardi 16 juillet 2019

Les relations humaines ou l'art de saluer

Dans son unique livre Pythagore se calquera sur la neige (qu'il s'est résolu à matérialiser, lui qui espérait ne jamais avoir à en écrire, pour habiter la tradition orale), le philosophe et sociologue Alfred Nomisky (surnommé affectueusement par ses partisans le Grand Éthérique) décortique les relations humaines, afin d'en identifier les malaises et de les résoudre. Je cite le truculent intellectuel: «Tandis que j'étais en vacances sur le flanc du Vésuve, il me vint une idée d'une extraordinaire simplicité, à la suite de questions: dans la société contemporaine actuelle, n'y a-t-il pas un fantôme hautain qui s'invite dans nos relations sociales? Pourquoi les êtres humains ne sont-ils pas capables de communiquer? Qu'est-ce qui vient saboter les échanges les plus fondamentaux? Ainsi, j'eus une épiphanie: ces rapports n'existent même pas. Nous vivons dans la superficialité des contacts humains. Nous croyons échanger avec nos semblables, quand nous n'avons même pas pris la peine d'entrer en contact avec eux. Lorsqu'on y pense, qu'est-ce qui permet d'instaurer un rapport humain, ou de le renouveler? D'aucuns diraient qu'avec cette question, nous croquons quelque chose d'intangible. Pas du tout... Laissez-moi vous dire... Toutes les cultures et toutes les langues le savent instinctivement, le recèlent: ce qui permet d'entrer en relation, c'est la salutation. Au-delà d'une absence de la salutation, point de salut relationnel. Inviterait-on quelqu'un à un repas, si on ne l'a jamais même salué? Demande-t-on à une personne ce qu'elle a fait de sa journée, sans l'avoir saluée? La clé de voûte d'un échange humain, c'est d'abord et avant tout l'art de saluer. Aussi me suis-je résolu à être le plus économe possible en la matière afin d'exprimer l'essentiel et l'authenticité. Même si je croise un être humain qui semble mal à l'aise avec moi, tout simplement, je le salue. Je salue tous les gens que je croise, tout le temps, dans toutes les situations, même incongrues. L'autre jour, à l'épicerie, une caissière et moi-même nous regardions en chiens de faïence: je l'ai saluée. Celle-ci me regarda d'autant plus étrangement, mais c'était la prémisse d'une relation.»

4 commentaires:

  1. Ce sont les détails qui font une grande différence qui s'oublient maintenant. Ce texte est juste Guillaume. Je travaille avec le public et parfois le premier contact, c'est franchement du grand n'importe quoi. Très proche rapidement quand on n'utilise pas le vous mais sans grand proximité malgrè la tonne de "tu" qui tue. Le premier contact des vieux potes depuis toujours, étrange façon. Ça prend de la distance pour créer de la proximité comme ça prend de la pudeur pour créer de l'intimité. Merci pour ce billet.

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    1. Salut! Tu me rappelles qu'un vieillard (c'en était un, octogénaire, je crois) qui m'a enseigné à l'univ discutait de cette étrange dynamique qui consiste à entrer en contact avec autrui tout en conservant son individualité et quelque chose de soi, à soi. Le seuil et l'altérité, ses concepts, je crois...

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