lundi 1 juillet 2019

La boxe, ma passion honteuse





Je voulais faire un super bel article de blogue là-dessus, mais il n'y a pas de super bel article de blogue. En tout cas, pas en ce moment. Il y a, peut-être, un bel homme à son clavier, mais celui-ci est considérablement cerné. Un homme qui se sent à peu près comme au 11e round d'un combat de boxe.

Rendu là, au diable la stratégie, on boxe comme on peut. Et c'est peut-être mieux ainsi. L'instinct fait quelquefois des merveilles.

C'est ma passion honteuse, la boxe, car je n'aime pas la violence.

Je me suis d'abord intéressé, de façon superficielle, aux arts martiaux mixtes, vu Georges St-Pierre. Ce gars-là est vraiment noble, et je lui donne le Bon Dieu sans confession. Quand je le voyais à la télé, il avait l'air philosophique, pour ne pas dire spirituel. Ça m'impressionnait, venant d'un combattant. Et je me disais qu'un vrai combattant, c'est ce que ça devait être.

La psychologue fraîchement diplômée que je fréquentais (amoureusement) m'avait dit: «Voyons! Comment ça se fait que tous les jeunes hommes au Québec, vous l'admirez, lui?» Et moi de lui relater à peu près ce que j'ai rédigé plus haut.

Ce maître à cogner me faisait songer à ce que l'un de mes maîtres à penser avait écrit. Je cite peut-être... sûrement de travers: «Je crois en la prédominance de l'esprit sur la matière.»

GSP est grand, mais pas tant que ça (5′10″). C'est celui qu'on intimidait autrefois. Ça me plaisait chez lui, qu'il ne soit pas le plus avantagé physiquement, et ce passé surmonté. Ainsi, j'ai toujours pris pour celui qui est différent, mais surtout, fondamentalement déterminé. Celui qui doit user de sa force intérieure pour gagner. Celui qui est plus petit, plus maigre, dont le physique est atypique.

Ainsi, peu à peu, mon attention s'est tournée vers la boxe, où il me semblait que l'analogie avec la vie était encore plus brutale, où le contraste entre les combattants était encore plus frappant, à l'occasion.

Là encore, j'encourage ceux qui sont différents.

Mais je le réitère: la violence est un concept (quel drôle de mot en la circonstance, j'en conviens) avec lequel je compose mal. Si l'humanité survit, dans quelques siècles, si l'humanité s'ennoblit après avoir transcendé la survie, un tel sport n'existera plus à mon sens.

C'est un peu à la façon d'un anthropologue que j'envisage ce sport. Il semblerait que certains types de primates soient intrinsèquement violents, dès leur naissance. Je pense qu'il en va de même chez l'être humain.

Or, pour le moment, je préfère nettement que la violence soit canalisée dans un espace paramétré (équipement, arbitre, médecins...), qu'exprimée d'une façon qui n'est pas la bienvenue. J'ai déjà été témoin, dans un centre commercial, d'une violente bagarre entre deux inconnus, et j'ai trouvé cela tout à fait hideux.

Toutes ces raisons d'apprécier ce sport étant exposées, je pense que la plus forte est son caractère symbolique. Ça me ramène donc à la raison principale ayant attisé ma curiosité pour les sports de combat.

C'est une source de métaphores très riche sur le combat de la vie. Même si l'on ne mène pas un combat féroce contre l'existence, qui a dit qu'on ne s'en prenait pas plein la gueule? Notre travail, notre mode de vie sédentaire, etc., peuvent certainement abîmer notre corps et notre cerveau, à la longue.

Mon voisin virtuel — ce qu'il m'amuse parfois! —, il avait été très contrarié, il y a quelques années, lorsque je l'avais comparé à GSP. Je ne retrouve plus, hélas, son courriel sur le sujet! Un gladiateur à gogo, s'était-il insurgé. Il avait dit que s'il fallait insister sur la comparaison pugilistique, c'est à Muhammad Ali qu'il fallait le comparer. Il ajoutait que c'est un homme que je ne rougirais pas d'admirer. J'estimais la comparaison légitime. Il ne savait pas que j'avais déjà amplement observé les pas de danse d'Ali, dont j'admirais le génie. C'est probablement en voyant un homme comme Ali que j'ai compris que l'expression intelligence kinesthésique n'est pas qu'une expression creuse, qu'une consolation pour ceux qui n'ont pas développé d'autres formes d'intelligence. Cette brillance-là existe aussi.

Pour revenir à l'idée de symbole, de métaphore, il m'avait plus tard écrit cette jolie pensée. J'y repense souvent:

 «Les boxeurs boxent pour les poètes, les poètes poétisent pour les boxeurs, y faut de tout pour faire un monde.»

Donner une forme crue, réelle à ce combat intérieur ou existentiel est peut-être une chose nécessaire. Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d'hommes, avait écrit Rimbaud. Quand on voit un gladiateur s'élancer et combattre, il a le pouvoir de devenir une projection de ce que l'on ressent. Inversement, le combattant a besoin d'inspiration, il doit s'abreuver à la poésie ou à quelque chose d'analogue.

Aussi mon voisin avait-il ajouté, entre autres, qu'Ali était poète — c'est moi qui en profite pour glisser ce lien. Et pourquoi pas celui-ci? Grâce à des hommes formidables comme Ali, on voit que la frontière entre des domaines s'estompe, pour ne laisser place qu'à la passion!

Par ailleurs, qui serait le Muhammad Ali moderne? Certains croient, peut-être, qu'il s'agit d'Anthony Joshua, le géant dans la vidéo au début de ce billet. Il n'en possède pas la finesse, mais en a-t-il le cœur?

Je ne l'aimais pas plus qu'il faut. J'estimais qu'il était un «talent fabriqué». Décidément, je préférais Deontay Wilder, sinon au talent plus pur, du moins à la force plus brute. Mais celui-ci a perdu sa valeur à mes yeux, depuis qu'il a affirmé vouloir un mort à son palmarès. Son karma s'est nécessairement embrouillé...

Joshua, quant à lui, comme on peut le voir dans la vidéo, a récemment perdu. Sa première défaite comme professionnel! Contre un type beaucoup plus petit, franchement gros, qui était à peu près inconnu. Cela m'inspire le plus grand respect, de part et d'autre. Andy Ruiz Jr. s'est arraché le coeur pour faire l'impossible. Quoiqu'il a un peu terni son auréole, à mes yeux, dans les jours suivant sa victoire, en disant de son adversaire, qu'il respectait initialement, qu'il n'est pas un bon boxeur. L'insécurité fait dire beaucoup de sottises... Joshua est demeuré un parfait gentleman, pour sa part. Il a félicité son adversaire, il a dit qu'il a été le meilleur ce soir-là.

Toujours est-il, je respecte ce dernier puisque c'est un géant fragile. Ça l'a rendu, à mes yeux, plus humain. Ça le rend digne d'une réelle admiration.

Et j'espère ne pas avoir interpellé les sportifs avec tous ces mots, car c'est naturellement aux poètes que je m'adressais.