mardi 4 juin 2019

Écrit, naguère, dans un endroit que j'aime bien

Mise à jour : j'ai écrit cela à la maison de thé Camellia Sinensis. Quelle perte, avec cette fermeture !...

SCÈNE GUSTATIVE ET SONORE

C'est une pièce zen comme un soupir d'où s'exile le vice d'une angine cultivée, ce sont des chaises qui se regardent dans une distinguée romance. Tout est de bois. Une bougie n'est pas près de capituler, son jeton de flamme, sa piécette de magma étant enceinte d'air. Une fleur abjectement timide me dit bonjour. Puis c'est un piano, une liqueur de notes légères qui embaume l'air de suggestions cinématographiques où des personnages deviennent fatalement heureux. Un petit plateau de bois aux coins arrondis. Le bois est solide. Ce qui est plein m'enchante. Moi, je risque de m'envoler à chaque effaré d'instant. Mes secondes sont de la dentelle qui cherche le feu. J'en oublie ce que je fais... Sur cette plaque de chêne, un récipient circulaire, pas très haut, une galette de bol. Puis, une crème brûlée à l'intérieur. Elle est jaune sur les plages de sa circonférence. Le centre, lui, est brunâtre ; à peine calciné en son propre milieu... Des bords jusqu'au coeur, c'est du roux, c'est de la rouille, un brun terre là où la croûte est la plus forte. Une peinture humectée. C'est un dégradé par à-coups, nerveux, ondoyant comme un tourbillon figé. Ce mets ludique, on dirait un soleil qui a imprimé son visage dans un suaire. En bougeant la tête, je vois les toutes petites, les subtiles crevasses du dessert se consteller d'une chorale de pointes lumineuses, humides, — variant avec les angles. Des torches de lilliputiens. La bougie en est pantoise. Je casse la croûte de ma cuillère, belle comme de l'art qui a subitement décidé qu'il en était. Voilà la vraie couleur ! Un jaune canari moelleux. C'est une crème qui prend toutes les directions dans la bouche lorsqu'elle y entre. Je pourrais aussi attraper les notes du piano avec ma cuillère, tellement elles sont douces, un onctueux martèlement. Après avoir écrit tous ces mots, le décor n'est plus le même, il est étrangement chantant, m'est inextricablement complice. Les secondes se diluent et s'ouvrent comme des fleurs, comme dans l'embrasement scientifique du tai-chi.

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