lundi 30 juillet 2012

Un poème à se tatouer dans l'âme

Je déteste les tatous. On dirait que par le biais de ces cicatrices d'encre, leurs propriétaires tentent de s'imprégner de grandes vérités chimériques, de grandioses principes flous... Moi qui ai toujours de nouvelles idées, qui m'amourache de fugaces leitmotive, je ne voudrais pas zébrer mon édifice charnel d'un graffiti qui, une décennie plus tard, ne constituerait plus qu'un truisme personnel. Néanmoins, s'il y a une seule chose que je devais me faire tatouer, si j'y étais forcé, un seul symbole que j'accepterais de voir marbrer ma chair jour après jour, ce serait un albatros. Mieux, le poème de Baudelaire portant ce nom.

Pour ceux qui n'auraient pas compris : la même sensibilité qui permet de surplomber divinement la vie, eh bien ! lorsqu'on la nourrit de déchets, de problèmes gratuits, ou ne serait-ce que d'infâmes corpuscules triviales, elle tousse et éructe une vapeur de sang.

Ça me rappelle cette idée bien intéressante, qui apparemment avait été exposée à des élèves par leur enseignant en philosophie : prenez un récipient ; puis, remplissez-le de sable. Videz-le. Mettez maintenant des pierres dans le contenant. Mettez du sable ensuite. Il y a moins de grains beiges, n'est-ce pas ? Ces derniers représentent les problèmes, les banalités du quotidien. Les pierres, en revanche, symbolisent les gens qu'on affectionne, nos passions. Si on ne laisse pas d'abord de l'espace aux choses qui nous font bienheureux, le cancer sablonneux va saloper, triturer, dévorer tout ce que l'on a de temps et d'énergie.

Or, permettez-moi d'être kitch et optimiste, j'ai un rencard avec mes ailes. C'est cérébral. L'énergie neuronale est aiguillée autrement. À plus !


L'Albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

11 commentaires:

  1. Inspirant, la métaphore des pierres et du sable. Et ceci...

    " Le poète est semblable au prince des nuées
    Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
    Exilé sur le sol au milieu des huées,
    Ses ailes de géant l'empêchent de marcher "

    Génial!

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  2. C'est diablement réconfortant. C'est en processus de s'instiller dans ma tête. Pour de bon, j'espère.

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  3. Ça fait plaisir de le relire. Et ça te ressemble en effet — ne te casse pas la tête à comprendre le sens de cette affirmation.

    L'histoire du sable dont tu parlais, ce ne serait pas plutôt celle-ci? http://goo.gl/b9WlI

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  4. Hellô!

    Le lien que tu nous soumets ne marche pas. Il me ramène à cette page-ci.

    Cela dit... J'ai lu plusieurs versions de cette histoire philosophique. Et il ne serait pas étonnant que j'aie donné mon propre éclat à celle-ci, héhé...

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  5. Va Guillaume va, personne ne te retiens de prendre de l'altitude, bien au contraire.
    J'ai vu cette image hier, je ne sais plus où, du contenant avec du sable et des pierres auquel on rajoute le sable dans ce qu'il reste, mais je préfère ta version de l'amitié ou de ce qui compte vraiment. Réellement.

    ah si, je sais où je l'ai vu... (désolée, lien éminemment "terra terra", une pratique courante de l'été: moduler son espace quand on ne peut en changer, mmh, "prends ton oseille et tire-toi" me dit ma voix intérieure )

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  6. @Laure Je suis excellent pour me mettre des bâtons dans les roues, ou plutôt, des scies sur les ailes. Ma novella prochaine, sur Salve d'étoiles, abordera en autres choses ce thème...

    Content, alors, si ma version fait un sens :-) IKEA, vraiment ?

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  7. soigner son "espace intérieur" ?

    ... désolée, pas d'autres remarques à formuler.

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  8. Réorganisation intérieure et Ikea m’ont ressouvenu un grand bonhomme fascinant (quoique controversé) : Ikeda. Ensuite, souvenir, souvenir encore d’une émission de Jacques Languirand... Était-ce celle-ci ? Non. Celle-là . C’est ça!

    Je saute un peu du coq-à-l’âne, mais bon, pourquoi être doté de belles grandes ailes, si ce n’est pour errer, ici et là, et dégoter de délicieux poissons argentés, à partager sur la côte, en bonne compagnie?

    Bon appétit ;-)

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