samedi 29 octobre 2011

L'objectif de tout homme



« I feel within me a peace above all earthly dignities, a still and quiet conscience. »
- William Shakespeare

N'est-ce pas ce que nous recherchons tous ? Ce déliement sublime de l'âme ?

8 commentaires:

  1. L'acquérir est une chose. L'entretenir en est une autre (et probablement la partie la plus difficile). C'est un savoureux zeste d'ataraxie que nous sert Shakespeare.

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  2. Oui, hélas, ce sont des instants trop fugaces! Personnellement, lorsque j'atteins cette béatitude tranquille, j'ai la naïveté de croire que toute ma vie a toujours été aussi douce, et puis qu'elle le sera toujours. Alors ces instants, aussi courts soient-ils, me procurent un immense bonheur hors du monde.

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  3. Souvent notre coefficient de bonheur est la résultante direct de notre capacité de résilience ou, du moins, à notre imperméabilité au malheur. Pour les créatures créatrices, ces bêtes humaines de lettres, de mélodies et de toutes formes d’arts, ça devient parfois un problème. Éponges qu’ils sont et qu’elles sont - que nous sommes - les artisans absorbent l’univers par tous les pores, du miel délicat au venin de l’âme, sans autres outils d’évacuations qu’une plume, un pinceau ou une guitare. Il y a un prix à payer pour être un catalyseur d’ombre et de lumière, c’est souvent notre propre état d’esprit. D’avoir à filtrer la substance, à sélectionner les aliments, enlève parfois de la saveur et de la substance. Un pari risqué auquel a majeure partie des artistes que je côtoie se refuse. Pourquoi? Parce que c’est une entrave direct au but ultime (qui revêt encore plus d’importance aux yeux de l’artiste que l’artiste lui-même) : l’œuvre.

    Selon toi, est-ce que c’est possible d’être heureux en permanence (ou sur une base régulière) et créer à plein temps? Sommes-nous condamnés à boire notre cigüe à petite lampé ou il existe un remède pour « âme affligés »?

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  4. Tu sais dire merveilleusement bien la mécanique de nos esprits!

    J'aurais envie de te dire que c'est possible, que de créer à temps plein et d'être heureux. Je n'ai jamais essayé, mais qui sait, peut-être un jour.

    Un artiste heureux. C'est très utopique, je sais... Remarque, j'ai toujours cru au soleil, même les yeux encroûtés d'ombres. Or cela dit je pense que ça se peut. Personnellement, ce n'est pas tant dans l'acte de création que je souffre. Ça, au contraire, ce serait plutôt circonscrire le malheur, renvoyer les noctuidés vers leur nuit (après les avoir photographiés en l'âme). Pour paraphraser Boris Cyrulnik, produire une oeuvre, c'est sculpter une extension de sa psyché, donner forme à un fracas (je pense que ces mots-ci sont les siens très exactement) ; être propriétaire de tout ça, et ne plus l'être tout à la fois.

    Mais Cyrulnik dit aussi que le bonheur n'est jamais pur (pas plus que le malheur). Comme tu l'as dit, pour ressentir à un haut degré, il faut accepter que des ombres viennent flirter avec notre âme. Mais ça, n'est-ce pas le fardeau du quotidien, mille soucis divers, une cohorte d'emmerdeurs que l'on se doit de croiser, des insatisfactions du coeur irrésolues?

    Je crois donc que ce n'est pas tant de créer à temps plein qui puisse s'avérer spécialement ardu pour l'âme (de ce côté, j'y vois au contraire un haut potentiel de suturation), je crois que ce serait plutôt de ne pas endormir sa lucidité et d'affronter la vie, toute la vie, avec sa nature authentique, comme certains courent tandis qu'il grêle dehors.

    Pour ça... Il faut selon moi développer des stratégies de toutes sortes ; psychologiques, interpersonnelles, etc. Ça ne sera jamais assez de toute façon, ça ne sera qu'une digue en sacs de sable, et on aura amplement le temps d'amasser un matériau pour l'oeuvre, mais au moins on ne sera pas mort noyé.

    Et lorsqu'on a besoin de saint repos, peut-être aussi se frotter à de géants soleils (personnes qui nous sont chères ; et passions diverses, pas nécessairement dans l'art), pour qu'on puisse en oublier le froid intersidéral.

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  5. Je suis forcé d’admettre de m’avoir fait l’avocat du diable sur ce propos. J’étais curieux de voir ta réflexion sur le sujet. Très éclairé et plein de bon sens (comme toutes tes interventions d’ailleurs).

    J’ai préalablement abordé la thématique avec deux membres de mon entourage. L’un me faisait part qu’il avait trouvé une talle en la colère, la peine et la noirceur. Une veine intarissable selon lui. Un autre de mes amis disait avoir besoin de fumette, cette fameuse « herbe du diable » (mais pas le datura quand même), source inéluctable d’inspiration.

    Ce qui arrive, je crois, dans un cas comme dans l’autre, c’est que ce sont des barrières échafaudées sur le chemin de la création, de réelles entraves à la libre-expression profonde de l’âme qui est souvent plus lumineuse que sombre (parce que, comme tu l’as dis plus tôt « ... N'est-ce pas ce que nous recherchons tous ? Ce déliement sublime de l'âme ?... »). Dans le cas des sentiments obscurs, c’est qu’ils frayent souvent à la surface du subconscient, aux premières loges car rarement expulsés et souvent refoulés. Tandis que les drogues, ces fabuleux accélérateurs de processus briseurs d’inhibitions, c’est l’équivalent d’ouvrir une porte déverrouillée à l’aide d’une clé. Je suis persuadé que les artistes peuvent s’en passer et produire des fruits mûrs qui nous laissent ce velouté goût sucré en bouche : celui de l’extase.

    Pour ma part, j’affirme qu’il est possible de savourer plénitude et création de pair. Je suis tellement volontaire à cette idée que j’ai décidé d’écrire le Lyberium en blanc sur noir, utilisant les mots comme des parcelles d’étoiles qui éclaboussent le canevas sinistre, à l’image d’existences tristes de souffrances.

    Symbolique? Surement. Une façon de me remémorer de continuer de disperser des pluies de lumières, de partager de grandes parts de gâteaux aux voluptés sapides et de semer à tous vents des grains de volontés oblatives, seuls moyens de récolter des joies fraternelles, des amitiés peintes de grands sourires, ces immensurables graffitis honnêtes et satisfaits.

    Pour ce qui est de mes grandes noirceurs intérieures (parce que comme tout le monde, j’en ai), je cumule les points au filet, j’épuise des kilomètres sous mes souliers ou j’évapore la hargne par des mélodies énergiques… autant d’exutoires qui laissent moins de trace sur les âmes autours et qui se diluent d’avantage dans l’espace-temps que les écrits (qui eux restent).

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  6. Un jeune écrivain m'a déjà dit, et j'ai trouvé cela bien amusant, de même que riche en pertinence : « La tristesse tout comme la joie ne sont que des prétextes pour créer » — il suffit de vivre, en somme!

    La drogue, personnellement, je n'embarque pas. Du plus lointain que je me souvienne, ça m'a toujours semblé être une chose viciée, un mauvais tour de magie qui, décousu, montre sa risible mécanique au public, une hypothèque sur l'âme.

    Tout comme toi je crois qu'on peut cheminer autrement. J'utilise personnellement la réflexion profonde, une radioscopie de mes songes comme des choses, j'use parfois même de techniques pour aller en mon inconscient.

    Je pense que c'est l'écrivain Louis Pauwels qui écrivait justement que l'homme est, par nature, porté au bonheur, mais que des complications culturelles (par voie des arts, me semble-t-il, mais je n'oserais le paraphraser incorrectement) l'ont mené à croire, l'homme, à un sortilège de déconfiture, à la nécessité d'un désenchantement.

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  7. J’ai souvenir d’une certaine matinée magique, ce «Matin des Magiciens» de Pauwels et Bergier, où historiquement ils dressaient des fantasmagories de la folie de hommes, de leurs mécaniques du désir de comprendre les desseins tortueux de nos destins, par des pratiques aussi brutales qu’insanes. Ils décortiquèrent des méthodes pour nous apporter au frontières de l’esprit, et peut-être même nous inciter à sauter la ligne du sensé, à reconsidérer nos acquis sur la réalité et ainsi nous mettre en perspectives. Ça m’avait bousculé la conscience à une certaine époque.

    Pour ce qui de la tristesse et de la joie: c’est bien vrai et belle et bien un fabuleux prétextes de création. En même temps, pour ce qui est de ma démarche personnelle, je ne me refuse pas à écrire des lignes saignantes et cendrées si le coeur y est. Je m’efforce tout de même de garder la ligne directrice de la positivité, de l’amour dans ses subtilités les plus profondes telle la fraternité, la bienveillance et toutes ses déclinaisons. C’est un défi parce que justement, dû au fait que le négatif est moins souvent expulsé en public (par chance sinon à quel point serait-elle infernale la société?), ça nous force à pousser l’introspection, à éplucher l’oignon de nos névroses de bête pensantes, pour enfin se brûler les yeux avec des félicités profondes de Nirvana interne.

    Étrangement, j’ai pourtant de la difficulté à écrire de ces chansons d’amour (ça ne me vient pas naturellement). Chaque fois qu’elles sont couchées, elles me laisse l’impression d’un vieux bout de plastique remâché. Je me botte les fesses de ce temps là pour en pondre, question de me sortir de ma zone de confort, sans compter que je planche sur un projet bien perso (un autre parmi tant d’autres classé sous l’onglet «Un autre projet parmi tant d’autres»).

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  8. Le Matin des Magiciens, ç'a bouleversé ma vie! J'ai lu d'autres livres des deux individus en question, de même que (je le suggère fortement) « Le livre des damnés », de Charles Fort (l'un des modèles de Pauwels et Bergier).

    Des chansons d'amour? C'est curieux. J'ai passé le plus clair de ma vie à être célibataire, et quatre des cinq chansons que j'ai écrites parlent d'amour!

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