lundi 4 mars 2024

L'Islande telle que vue et vécue par Éric-Emmanuel Schmitt : ça donne le goût d'y aller...

J'avais choisi la destination avec soin : l'Islande. Épris de ce pays que j'avais visité plusieurs fois pour mes pièces ou mes livres, j'avais appris à le savourer dans tous ses états. À chaque moment de l'année, l'île joue de la musique en véritable artiste : l'hiver, elle prodigue une symphonie de bleus – eau, ciel, glace, neige –, l'été, une symphonie de verts – mousses et lichens sur la toundra, bouleaux rabougris. Bloc minéral vomi par l'Atlantique, située dans un climat ingrat, elle demeure sauvage, peu habitée, à peine cultivée. Trois brins d'herbe suffisent à déclarer qu'une étendue est un champ. Rien ne se développe en hauteur, ni les végétaux ni les animaux – les chevaux plafonnent à la taille des poneys –, et un proverbe local stipule : « Quand vous êtes perdu dans une forêt, levez-vous. » J'avais parié que ce lieu robuste insufflerait de l'énergie à ma mère et notre odyssée m'avait donné raison. Quiconque désire sentir que la Terre vit doit parcourir l'Islande. Pris entre le feu intérieur et la glace extérieure, le sol respire, éructe, se fend, fume, crache de l'eau chaude à Geyser, vomit des laves par la bouche de ses volcans, noircit le ciel de ses cendres. Avant d'accoster le quai de Reykjavik, nous avions navigué parmi des îlots dont certains n'avaient jailli de l'océan que depuis deux ans. Vagabonder ensuite sur les chemins islandais nous avait permis de nous charger de force tellurique.

– Éric-Emmanuel Schmitt, Journal d'un amour perdu

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