jeudi 15 juin 2023

Scène de café

Je balaie la place du regard. Mes spots habituels sont pris. Il y aurait la table commune, là, avec l'énergumène à kangourou, capuchon sur la casquette. Pas intéressé à m'asseoir en face de ce type dont les yeux chuchotent qu'il est un conspirationniste traqué par la CIA.

Pas fini de balayer. Là, au fond, une autre table commune. Deux étudiantes, une blonde fragile pâle, et une brunette forte en sérotonine. Je demande si je peux m'asseoir là. Bien sûr. Ça entraîne toujours un moment délicat. Les femmes se demandent si les hommes veulent s'asseoir avec elles. Comme susmentionné, je voulais juste éviter l'hurluberlu.

N'empêche, je m'empêche de les regarder. Code d'honneur personnel. Si ma motivation était de m'installer là pour travailler, voilà ce qu'elle est, cette motivation. Tautologie, miroirs.

Ce qui est drôle, c'est qu'elles deviennent silencieuses. Et moi, tout ça me gêne, comme si j'étais intéressé, mais je ne le suis pas pentoute.

Toujours est-il, je suis assis au bout de la table, de façon à les voir toutes les deux.

À moins que mon cerveau bouche les trous que ma vision périphérique ne sait pas correctement croquer sur le vif, la blonde calme gentille me jette des coups d'œil occasionnels, pour analyser ma présence. Quant à la brune, elle se joue beaucoup avec les cheveux. Elle s'assoit de façon à être tournée vers moi.

Je pense qu'elles finissent par conclure à mon sérieux. C'est peut-être moi le conspirationniste : une se met à lire. L'autre aussi. Comme pour que je l'aperçoive. Le type sauvage à lunettes, il doit aimer ça, lire.

Je me dis : si ça se trouve, elles ne sont pas intéressées du tout, je suis devenu laitte, mais peut-être est-ce une petite compète : qui va attirer l'attention du monsieur en premier ?

Derrière cette scène anodine, il se cache tant, tant de choses que j'aime : la psychologie, la psychologie de la séduction, la (triste) valeur marchande des individus (darwinisme social oblige).

Derrière cette scène, il se cache peut-être aussi mon amour des femmes.

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