samedi 13 avril 2013

Il y a de ces gens qui m'inspirent des poèmes...



Christ de saint Jean de la Croix, Salvador Dalí



Corpus hypercubus, Salvador Dalí


J'ai écrit ces vers car elle voulait que je fasse l'exercice d'être elle, elle voulait se voir par mes yeux. Elle ne demandait pas une réponse, à combien plus forte raison n'attendait-elle pas un poème. Peu de temps après le lui avoir fait lire, elle semblait confusément exprimer qu'elle a été énormément, positivement remuée ; toutefois, depuis, je n'ai plus de ses nouvelles. J'imagine qu'elle s'est envolée. Normal !

Pour que tu te voies à travers mes yeux

Pour R.

J'ai d'étranges manières d'être qui ne plaisent
À tout le monde ; c'est qu'eux ne comprennent pas
Qu'en chasseresse à l'ombre folle comme braise,
Je dois traquer tous les soleils dévots là-bas !...

Il ne me manque pas de cap ! Tous, ils sont bons !
Ce monde est le répertoire de nouveautés
Que je fouille comme douce jarre à bonbons !
Gamine, une croix choit sur ma pupille hantée.

Qu'ai-je à fuir ? Rien. Ai-je peur ? Esthétiquement,
Pour la forme, oh, oui. Au fond du puits de mon coeur ?...
Pardi ! Or ça, c'est un autre conte dément !
Yeux clos, tous les sentiments du monde m'effleurent !

M'élevant par-delà la chorale des rires
De tous ceux que j'aime en ma fibre, un scellement
Fatal rapprochant mes cils de douce martyre,
En pythonisse imbibée de voeux clairvoyants,

Je vole littéralement, Jésus fait femme,
Et la croix qui me supporte est en tiges d'air.
Des musiques se fondent, un tout polygame
En mon esprit ému plus haut que Ciel et Terre !

Je suis le Christ de Saint Jean de la Croix ; Dalí
Serait fier de savoir que, — interaccouchée —,
Son oeuvre est en moi ; qu'en elle je me délie !
Mais je ne souffre pas, je me suis élevée !

J'ai besoin de cette distance, les paupières
Gonflées d'un souk de larmes acides et gaies !
Taisez-vous ! Je suis heureuse et crépusculaire !
J'ai seulement besoin d'un peu me replier !

Jamais le démon, avec sa bave en dentelle,
Ne m'a effrayée ; en fait, il bosse pour moi...
Mais je goûte un peu à la pulpe démentielle
Afin d'éprouver la vie et tous ses émois !

Mais attendez, il y a toute une méprise !
Tut, tut, tut ! Je ne grimpe pas jusqu'aux étoiles
Pour me bannir de vos vies ou pour lâcher prise,
Ma vocation n'est pas de goûter à mon mal...

Si je suis ici, c'est pour penser, taciturne,
À l'attendrissement que j'ai pour le vacarme !
J'aime la vie, toutes ses coutures diurnes,
Je l'aime tant, que je dois parfois fuir son charme !

C'est pourquoi j'aime me repaître de l'orbite ;
Pourquoi ne pas voir tout ce monde que j'admire
En une seule embrassade cosmopolite ?
Dans mon expansion, j'ai l'univers dans ma mire !

Ténébreuse reine suant le gai espoir,
Déterminée par l'idée du bonheur parfait,
Je me prépare à redescendre dans la gloire,
Là en bas, constellée d'absolus imparfaits !

Tandis que je m'apprête à le faire, un caprice
Me prend ; je suis l'écolière ne voulant
Retourner en classe, la rue est cicatrice,
Je pourrais y sombrer, comme en sable mouvant !

Je dégrise, un frisson, suis désaphrodisiée !
C'est, tout comme chez les anges qui redescendent,
Le dégel du souvenir, l'appel asphyxié
Du réel, l'abattoir où il faut qu'on se vende !

La mosaïque des visages que j'adore
Me revient ; ils attendent tous de sourds miracles !
C'est l'ennui quand on est divine sans effort,
Il se trouve dans son sillon tout un cénacle !

Je ne retourne pas dans la fête d'errance !
Une orange ignition me lézarde la voix...
Je me sens intersidérée, j'ai la souffrance
Rageuse et surnaturelle ! Oh, c'est le Noir, quoi !

Mon implacable chute, au ralenti, se forge,
Chamarrée de jaunes morceaux de galaxies ;
Ainsi qu'une pomme qu'enduit le sucre d'orge,
Les lois de mon coeur couvrent ma cataplexie...

Mille symboles, mille amis, mille passions
Ressuscitent sous mes yeux dénudés de givre,
Mes yeux réapprenant leur perçante mission !
N'aurais-je pas dû rester en nuages ivres ?

Je ne sais plus où distribuer mes sourires !
Voilà ! c'est le monde que j'ai connu, que j'aime !
Derrière chaque atome, un soleil à cueillir !
Mais comment fais-je donc ? Partout je me parsème !

Dans ce chaos grouillant de vives impulsions,
Je me tricote une kyrielle de vies,
À bout de souffle, j'aime, j'aime avec passion,
Je sais, je vais trouver l'éden sans préavis !

Malgré les jungles que me fait voir l'intuition,
Les jungles de joies et d'amours improvisés,
Je sais où je vais ! Elles sont institution,
Mes idées ! Je tangue de façon avisée !

Je cherche l'amour, rien que ça, sous toutes formes,
L'amour universel, mais aussi l’autre preux
Qui me fera rougir tant, sans qu'il ne déforme
La probité de la promesse d'or d'un Dieu !

Je suis guerrière ! Je suis chercheuse ! Je suis !
Dans la multiplication de mes désirs doux,
Je me fraie un chemin dans le luxe des nuits,
Je ne fais qu'un avec le sort qui m'amadoue...

8 commentaires:

  1. je dois dire que si tu as effectivement vu juste, ça a dû être assez déconcertant pour la dame de se voir ainsi scruter l’âme en profondeur...
    abstraction faite de cet aspect, j’avoue être une fois de plus épaté par la fluidité, la fraîcheur et l’invention avec lesquelles tu manies des formes poétiques qui la plupart du temps deviennent rapidement assommantes parce que "musicalement" trop prévisibles, surtout pour des développements de cette ampleur. (finalement, tu es semblable à ces musiciens éblouissants qui arrivent encore, comme par miracle, à nous surprendre avec un bon vieux blues!)

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  2. Elle est très spéciale, cette R, or j'imagine que ça l'a déconcertée, mais que c'est le genre de bizarrerie auquel elle est accoutumée, dans son existence.

    Ton commentaire, il est d'une grande gentillesse, ça me touche, merci. Faire des vers, c'est tout un défi. Je prépare un recueil de poèmes qui ne seront qu'en alexandrins! Ça m'a pris du temps avant de pogner a' twist, parce que c'est une forme complexe et inventophobe, pas permissive quand on ne la connaît pas. C'est comme une bibliothécaire glaciale dont il faut connaître les secrets pour la faire fondre, hé ! hé ! Mon but est d'utiliser cette forme pour la faire éclater.

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    1. j'avoue que je suis très impatient d'assister à ce guillaumesque éclatement!

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  3. Elle ne mérite pas ce diamant de poème! Elle ne sait vraiment pas la chance de sa vie qu'elle a ratée, mon ami! Comme beaucoup d'autres dans ces cimetières de blogs!

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  4. Je pense qu'elle est comme un électron ; l'endroit où on la trouve n'est jamais qu'une probabilité. Elle est là et pas là du même coup. Je prends cela avec philosophie.

    C'est une chic fille. Pourrions peut-être même devenir de bons amis.

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    1. J'aime beaucoup cette réponse qui laisse libre, qui ne possède pas. Grandeur d'âme, ici.

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