dimanche 16 décembre 2012

Éluard et la femme bleue

Avec le retour de la méditation dans ma vie, j'envisageais de construire un édifice lumineux. Car parfois, un simple détail de la vie parvient à m'irriter extraordinairement, et ce, tant que je ne l'ai pas fait passer par le filtre de la réflexion. Sinon, c'est là, en arrière, c'est là, c'est une impression d'ombre qui complique mes secondes. Mais une fois que c'est réglé, c'est réglé. Ainsi, un grand éclat bienheureux survint en mon entendement il y a peu de temps : si de simples préoccupations de ma vie présente peuvent me tarabuster, à combien plus forte raison des échecs, des chagrins d'autrefois — ou du moins des échecs et des chagrins conceptualisés comme tels — peuvent-ils embrouiller, dans leur dénouement inconscient, mon existence présente ? Reconstruction par la réinterprétation.

Il est une seconde forme de prise de conscience qui m'intéresse, et que la méditation pourra me permettre d'atteindre. Je songeais récemment au fait que j'avais oublié quantité des facettes de mon évolution. Je tiens parfois pour acquises des choses si durement obtenues.

Ainsi, ainsi, pour résumer largement, je songeais à utiliser la méditation pour planter des racines d'or dans mon esprit, plus précisément afin de reconceptualiser nombre de mes souvenirs. Puis, comme on oublie trop souvent qui nous fûmes relativement à qui nous sommes, je voudrais que sur cette architecture soient tapissés les reflets de la relativisation. En somme, un correctif de mes valeurs, qui dans son application mangera de lumière la porosité des meurtrissures de jadis, et une juste compréhension des proportions de l'ombre et de la lumière : un seul regard, pour comprendre la sinuosité du visage du destin. Ce visage finement galbé est une espèce de désert, qu'on observe d'un commode point de l'altitude, aux environs de la nuit qui tombe, avec ses dénivellations mathématiquement soyeuses : pour peu, à cause d'un coup de vent, il pourrait être défiguré ; pour peu, avec un manque de lumière, on croirait à un visage de maniaque plein de grumeaux d'ombres, plutôt qu'à une physionomie sublime rappelant une femme esthétiquement pensive.

Or, je suis tombé, chez Blue, sur cette phrase qui inaugure un poème d'Éluard. Comme de juste, ça m'a frappé et ça a fait tomber une gangue supplicieuse et racornie qui enlaçait mon coeur.

11 commentaires:

  1. Nous vivons dans l'oublie du corps surtout. Tout se loge là, principalement les souvenirs oubliés.

    Exercice de respiration fort simple pour toi. Quand tu expires, tu pousses un doux shhhhh (comme le bruit du vent) jusqu'à ce que tes poumons se vident et puis tu recommences. L'important c'est que ton souffle se loge dans ton ventre et que celui-ci soit à sa pleine expansion... il y a des images du tréfonds qui peuvent remonter. Laisses-les venir sans juger.

    Voilà un début. Bon dimanche.

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  2. Fort intéressante technique, La Rouge. C'est noté, et sera testé sous peu! :-)

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  3. Plaisir pour moi. La respiration est la clé de la vie.

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  4. Le Shhh contracte les muscles du ventre. Porte attention quand tu le feras. Bonne respiration Shanti.

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  5. Il est vrai que la relation entre le corps et l'esprit est importante. Une expression corporelle peut certainement entraîner une émotion, et vice-versa. Lorsque je médite, je suis en vérité en profond état d'auto-hypnose. Mes yeux bougent frénétiquement sous mes paupières, j'avale beaucoup de salive, j'ai des spasmes, ma respiration devient profondément plus ample. Une fois, même, elle était si ample que j'avais l'impression de délirer par le nez, d'inspirer, longuement et voracement, toute la pièce.

    Je vais faire le test de voir si, en provoquant une respiration profonde, des images surgissent spontanément. Merci.

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  6. @Guillaume La méditation est définitivement une façon douce de briser la porte de la voûte de dépressurisation, entre l'âme et l'univers (la matrice). Dans le livre que je t'ai prêté (Chaque Jour l'illumination), il y a un paragraphe qui traite de ce sujet ainsi qu'un autre dans lequel Dan Millman présente une série de 15 exercices simples, principalement du yoga. C'est un double espresso matinal très efficace, sans effets secondaires.

    @La Rouge J'utilise le Shhh dans mes cours de chant, pour bien sentir le muscle d'appuie (situé au niveau de l'abdomen) et aussi avoir un meilleur contrôle sur mon expiration. Je n'avais jamais pensé à l'appliquer à la méditation. Merci :-)

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  7. La relation corps-esprit en est définitivement une que je dois explorer davantage.

    Le bouquin que tu m'as prêté, je vais t'avouer que dans le tumulte du déménagement, cet été, j'en avais perdu sa trace ; mes deux bibliothèques, dans ce nouveau logis, pour amener ça comme ça, étaient deux jungles, tous les livres étaient pêle-mêle, jamais eu le temps de les classer : mais ça s'en vient, le maniaque d'ordre va être sous peu rasassié (c'est un coloc tatillon et azimuté). Je viens de retrouver ton livre : il est maintenant sur ma table de chevet.

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  8. Pas de rush. Suis ton intuition. Si c'est lui, c'est lui. Si c'est un autre, c'est un autre.

    Ce qui sera, sera ;-)

    Bonne lecture

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  9. :-)

    Je trouve ce vers d'Eluard tellement juste! Tellement stupéfiant de justesse, je dois dire... je comprends qu'il t'ait interpellé. Moi, chaque fois il me fait cet effet.

    Le Shhh est en effet un moyen d'accéder à cette mémoire non accessible autrement, mais pas seulement. L'écriture, la peinture, la poésie, la danse, l'amour, sont aussi des moyens d'accéder à nos couches internes. Pour en avoir fait le voyage, je sais que pourtant malgré tout on ne peut accéder complètement à la cuisine qu'il a fallu faire, cette cuisine interne qui nous mue d'instant en instant. On est mouvement qu'on le veuille ou non.Chaque instant de notre vie nous change, chaque imperceptible chose qui nous arrive, mot qu'on reçoit, message qu'on donne, rencontre, et même quand on pense qu'il ne se passe rien, on n'est jamais comme on a été , on est jamais comme on sera, est c'est formidable quand on y songe, non? Bien sûr la mémoire du corps, bien sûr se loge en nous tout ce qu'on a vécu, bien sûr c'est ce qui nous forge et c'est heureux qu'on oublie aussi, qu'on passe à autre chose, qu'on s'aventure enrichi de notre passé et qu'on s'offre, qu'on ouvre son thorax , qu'on respire...
    La vie pousse en nous, comme un jardin tropical. parfois on s'y perd.
    On vit dans l'oubli de ses métamorphoses, c'est génial! parce qu'a trop se préoccuper du processus on en viendrait à occire le principal, évoluer, avancer, progresser, générer.

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  10. Blue, merci d'amener tes mots et leur aura de tendre vie ici.

    Personnellement, les moyens que j'ai employés pour plonger dans les extrêmes tréfonds, pour dénouer la gorge des troglodytes ténébreux recroquevillés au fond de moi — notamment pour me guérir d'une enfance salie par la mort —, ces moyens, ils n'étaient pas physiques (mais je suis ouvert à expérimenter également). Quoique sensoriels et émotionnels à l'extrême — donc par la bande, c'était intensément viscéral et charnel : l'écriture (automatique), la poésie, une technique de méditation aux allures d'autohypnose longuement cultivée, la musique.

    C'est vrai. On change constamment. Et c'est beau. Une charmante personne me le faisait remarquer récemment : et c'est puissant, comme constatation.

    En fait, le but de cette nouvelle démarche n'est pas d'avancer lové dans la nostalgie de mes gains passés, mais de me souvenir que la vie est un éternel miracle : aujourd'hui, c'est le miracle rêvé hier, aujourd'hui je suis qui j'ai voulu être autrefois. C'est une façon de retourner en arrière, pour susurrer à celui que je fus : les choses extraordinaires existent : regarde donc ! la foi est un idéal à conquérir ! n'en doute plus ! Par ricochet, c'est à l'homme présent, que je suis, que je dis : accueille en tes yeux l'onction de la lumière, blinde-toi du manteau en laine de foi des cieux.

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