Photo de Robert Skinner, La Presse
Ma position sur la hausse et la grève est claire depuis le début, mais ce n'est pas de cela dont je veux vous parler.
À
plusieurs reprises, les gens ont témoigné sur la brutalité
policière et la couverture biaisée des médias. J'y ai toujours
cru, mais hier soir, j'en ai eu la preuve incontestable.
Entre
21h et 1h, assise avec une camarade de classe, mon chum et quatre
amis dans le café L'Escalier qui fait face au parc Émilie-Gamelin,
nous avons été témoins d'une scène terrifiante.
À
travers les fenêtres, nous observions le jeu du chat et de la souris
décrit dans les médias : des manifestants s'enfuyant au son des
bombes assourdissantes et sur leurs pas, les policiers, des
anti-émeutes et la Sûreté du Québec. Alors qu'on prenait une
bière en dansant la salsa, l'air s'est épaissi plus d'une fois de
poivre de cayenne, faisant tousser soudainement tous les clients du
café.
Puis,
un silence horrifié autour de la table. 1ère scène sur le trottoir
du parc. Un manifestant s'enfuit vers le métro. Des policiers le
pourchassent. Un 1er agent à vélo le renverse en pleine course. Un
2è lui rentre dedans avec son vélo. Les autres lui sautent dessus
et l'arrêtent de la façon la plus brutale imaginable. 2è scène
sur le même trottoir. Un autre manifestant en fuite. Un agent arrive
derrière lui. BANG, coup de matraque derrière le cou. Il chute
brutalement. Un 2è agent soulève son vélo au-dessus de l'homme qui
gît maintenant à terre. PAF PAF PAF. Des coups de bicyclette sur le
corps immobile.
Une
demie heure plus tard, il y a toujours 10 policiers qui l'encerclent.
Tout le monde dans le café se demande "pourquoi est-il encore
sur le sol?". Les agents ont l'air nerveux. Ils demandent à un
journaliste de ranger sa caméra. Des passants s'approchent, mais
restent en périphérie de la scène. Un policier particulièrement
enragé leur crie de dégager et les pousse avec force. Il fait
presque tomber à la renverse 2 ou 3 observateurs. C'est de la pure
provocation.
Les
minutes passent. Le 2è manifestant arrêté est toujours couché.
Les observateurs se font de plus en plus nombreux. Finalement,
l'ambulance arrive et on comprend. Ils l'ont sévèrement blessé. On
voit les paramédicaux lui mettre un collier cervical et l'emporter
sur une civière. La foule rage. Une fille s'approche des policiers,
crie, pointe, leur montre le doigt. Du café, on n'entend pas ses
mots, mais on voit son émotion. On se demande si elle est amie ou
parente du blessé et on se dit qu'on réagirait exactement comme
elle si ça nous arrivait.
La
salsa est finie. On sort du café et on s'approche du lieu de
l'incident. Des flaques de sang sur le trottoir où l'homme a été
abattu. Notre groupe d'amis, loin d'être tous des carrés rouges,
frissonne de peur et de dégoût. L'une d'entre nous a des larmes aux
yeux. Ça donne mal au coeur. On se demande tous comment la
manifestation sera rapportée dans les médias le lendemain.
Sans
grande surprise, ce matin je lis dans La Presse : "Dans le
chaos, ce ne sont pas moins de 305 personnes qui ont été arrêtées
et une dizaine blessées, dont une gravement. Il s'agit d'un homme
d'une quarantaine d'années qui a été blessé à la tête alors
qu'il était appréhendé au square Berri. Les policiers venaient de
se faire attaquer lorsqu'ils ont chargé, selon un porte-parole."
Dans le Devoir : "On rapporte pour hier un blessé grave à la
tête, mais on ne craindrait pas pour la vie du manifestant." À
Radio-Canada : rien sur l’incident en question.
C'est
tout. Les policiers ont été provoqués. Le gars ne va pas mourir.
Tout va bien dans le meilleur des mondes.
Mais
des questions restent sans réponse. Pourquoi arrêter les
manifestants (dont la « violence » se résume, 99,9% du temps, à
du vandalisme et des altercations avec les policiers, et non à de la
vraie violence envers les personnes) en utilisant une force qui
pourrait tuer ou rendre paraplégique? Pourquoi frapper sur une
personne déjà à terre? Pourquoi agresser les observateurs qui ne
dérangent pas, à moins d’avoir quelque chose à cacher? Et
surtout, pourquoi dans la presse ne parle-t-on jamais des motifs et
du déroulement des arrestations, seulement de la casse qui «
justifie » la brutalité?"
- Xi Sophie Zhang
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