mardi 20 décembre 2011

La cage invisible

J'étais tombé dans une toile d'araignée à la soie de glace
Des rognures de temps s'amoncelaient autour de mes pupilles excentriquement perçantes
C'était l'hystérie languissante du silence
La lune étoilait son secteur de duvet sombre
Je m'étriquais sous sa gommeuse lumière
Mon coeur gargouillait avec langueur
Et j'avais de gargantuesques hoquets
Râpeux comme le tonnerre
Mon regard était une crevasse où mouraient les lucioles
Mon visage révulsé rebutant avait un sourire amer qui crissait dans un figement d'éternité

7 commentaires:

  1. Seul le poète intègre, authentique envers soi et sa plume peut clamer ainsi les ombres qui l'habitent, qui nous habitent tous. Chapeau l'écrivain! Ces fleurs ne sont rien, au final, que quelques mots... La lectrice solidaire y rajoute donc quelques doux baisers...
    -xxxxxx-

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  2. L'hystérie languissante du silence, cette folle à rendre fou à lier...

    J'aime bien tes contrastes entre le beau et le laid.

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  3. « Le malheur n'est jamais pur, pas plus que le bonheur », pour citer Boris Cyrulnik. Je pense que la considération de ce médecin aux idées fleuries, qui est lui-même un écrivain caché sous un sarrau (clin d'oeil), m'a permis de mieux écrire. L'oxymore en littérature est une clé, parce que c'est simplement près du réel.

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  4. Je suis écriveux, pas écrivain.

    Je viens tout juste de commencer à assumer que j'étais médecin, et j'ai encore beaucoup de prescriptions et de notes de dossier à écrire avant de changer le titre !

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  5. Dans mon arbre généalogique, c'est plein de médecins qui écrivaient, parfois sérieusement, parfois un peu plus sérieusement encore... J'ai moi-même voulu être médecin, plus jeune (c'était qu'un rêve, ma scolarité n'est vraiment pas avancée!) Finalement j'ai désormais le rêve d'écrire. Y aurait-il une corrélation entre ces deux métiers, du point de vue des aptitudes nécessaires ? En fait c'est relativement évident. Par exemple, médecin, ça implique que tu réapprennes toute une langue, soit médicale, celle-là...

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  6. Réponse tardive (je ne sais pas pourquoi, je n'arrive pas à avoir des suivis des commentaires avec Blogger)...

    Tu sais, moi, avant d'aller en médecine, je m'intéressais à la linguistique et à la littérature. En choisissant la médecine, j'ai longtemps sacrifié ces passions qui m'habitaient. Puis je me suis mis à lire dans le corps de mes patients (je veux dire les manifestations corporelles de l'âme, jusqu'au moindre silence) plutôt que dans leurs mots (il m'a tout d'abord fallu sortir des livres), et tout naturellement, j'ai glissé à nouveau vers la littérature. Je me trompe encore souvent, bien sûr, on n'aura jamais tout lu et on se fourvoie bien souvent dans nos croyances.

    J'ai une dette sans fin envers mes patients, mais je ne peux pas l'exprimer directement, à cause du serment professionnel... Je cherche souvent une façon de leur rendre hommage, pour ces connaissances données par leur être, celle du monde, celle surtout de moi.

    Un soir qui est peut-être ce soir (je dois protéger ma patiente en évitant les dates exactes), je sais par exemple que je viens de faire un miracle avec une patiente, une femme âgée. Il n'y a qu'elle et moi qui le savons, dans l'intimité de sa chambre d'hôpital — elle alitée et moi assis dans le fauteuil, la porte fermée, les yeux qui se pénètrent, les corps qui ne se toucheront jamais. Nous avons utilisé peu de mots. Ça ne peut pas s'écrire au dossier. Je suis différent d'elle, nous n'avons pas la même malédiction, pas les mêmes secrets, mais nous sommes semblables dans notre façon de communiquer, de se comprendre. Elle depuis bien plus longtemps que moi. J'ai percé son mythe, mais j'en conserverai le secret pour la protéger, parce que j'ai eu de l'amour pour cette patiente. Ce n'est pas de l'empathie, c'est de la compassion, de la vraie. En complicité. Parce qu'elle aussi m'a fait du bien. Tu aurais dû voir son regard et son sourire de miraculée. Ils me font perdre mes mots, je ne peux pas écrire directement ces expériences sensorielles et d'âmes qui pataugent l'une devant l'autre, c'est moi qui passerais pour un fou... Alors qu'ils la disent délirante ou folle, moi je la dis lucide et intelligente. Je ne fais que lui brandir des miroirs, pour qu'elle se voie autrement qu'en ceux où elle se déteste, parce que je sais qu'elle se déteste, je n'ai pas besoin qu'elle me dise pourquoi même si je m'en doute un peu. Elle s'attendait à ce que le médecin la déclare folle et malade, je lui ai fait voir qu'elle était plutôt aussi un génie, belle même, et je ne lui ai pas menti. Je ne lui ai rien dis, rien, aucune réponse, aucune déclaration ni affirmation. C'est elle qui a parlé, qui m'a tout dit, qui s'est vue, parce qu'elle m'a fait confiance en s'abandonnant à moi.

    En quelques jours, son âme qui était divisée depuis si longtemps s'est remise à marcher comme si chaque branche n'avait été qu'une jambe d'un même corps. J'ai vu devant moi son âme se lever et marcher. Un miracle.

    Je ne te mens pas du tout, vraiment, pas ici. Elle m'a vraiment demandé d'appeler sa fille, au téléphone, devant elle, pour lui donner de ses nouvelles. Moi, j'ai dit à sa fille que sa mère lui disait qu'elle l'aimait. Et j'ai dit à la mère que sa fille lui faisait dire qu'elle attendait son retour, qu'elle voulait la prendre dans ses bras. Par serment professionnel, je ne dirai pas si elles m'avaient vraiment chacune demandé de dire cela. Mais je dirai que j'en ai vu les effets, bien plus qu'avec le médicament que le psychiatre lui avait prescrit.

    Bon, abracadabra, disons que je viens d'inventer une histoire vraie, on ne sait jamais où se cache le Collège des Médecins ! haha !

    Bonne soirée, Guillaume. J'ai encore du travail à faire... Merci pour tes commentaires sur mon site.

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  7. Ce que tu as écrit au sujet de ta patiente, c'est d'une fraternité si mélodique ! Une belle, belle histoire. Il faudrait plus de médecins comme toi. Moi, récemment, j'ai fait ouvrir une enquête contre une imbécile de psychiatre, au Collège de Médecins. Une froide technicienne embourbée dans des théories archaïques, qui a laissé son coeur au vestiaire des experts imbus.

    Lire l'âme des gens, soigner ceux-ci, cela ne t'empêche définitivement pas d'écrire, au contraire. N'est-ce pas un écrivain québécois que l'on connaît bien qui, dans un magnifique petit livre, affirmait que personne en cette vie n'est ici que pour écrire des livres ? Tout oeil que tu fais vibrer, tout coeur qui s'emballe d'un récit devant toi renforcent ta sensibilité, te font réfléchir. Être écrivain de prime abord ne nécessite pas qu'on tienne un crayon ou qu'on pianote. Ensuite, bien sûr, il y a la question de l'énergie et d'une plage de temps où celle-ci peut se manifester : quand créer ? N'importe quand. Quand il faut que ça sorte de notre crâne, ce dernier se fissure, ça nous fait plusieurs fontanelles béantes, et le magma fuse vertigineux ! Je t'encourage à écrire, quand ça te mord au ventre. Je suis stupide de te dire ça car je sais que tu sais ce que tu fais.

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