jeudi 3 février 2011

Anselm Kiefer

Parmi les artistes visuels contemporains, nombreux sont ceux qui font exploser les formes - j'entends les contours, la netteté -, lesquelles formes cèdent plutôt leur place à un bruit visuel, un touffu chaos. Ne voulant s'encombrer de précision traditionnelle, ils ont d'autres techniques, guidés peut-être par un raz-de-marée émotif ? Leur arme - le pinceau, en outre - dissèque lumière, structures, idées, émotions. On ne regarde pas un paysage à proprement parler, ce n'est pas non plus un surnaturalisme nous y faisant déceler les émotions de l'auteur, c'est l'inverse : des émotions denses, colorées sans nécessairement l'être, ont alors quelque allure de paysage ou de physionomies communes.


S'il est un Allemand qui réussit prodigieusement dans l'art de renouveler l'art (d'ailleurs, le pinceau et la peinture ne sauraient lui suffire (il emploie une multitude de matières)), c'est Anselm Kiefer. Je connais peu Kiefer, mais plus j'observe ses toiles, plus il me fascine. Dans le tordu déraillement de ses oeuvres, je vois poindre une lumière. Si je me fie à une encyclopédie en ligne très connue, Kiefer affirme d'ailleurs : « Plus vous restez devant mes tableaux, plus vous découvrez les couleurs » Je vois du reste dans ses oeuvres des histoires. J'y vois ce qu'auraient pu être les poèmes de Rimbaud s'ils avaient été assujettis par une flamboyante tristesse. J'y décèle une unité sensée, même si le style est broussailleux.


Mais s'il est une oeuvre puissante qui frappe droit au coeur, alors c'est « Pluie d'étoiles » (aussi connue sous le nom de « Chute d'étoiles »). J'ai découvert cette oeuvre (et, ce qui n'est pas rien, Anselm Kiefer lui-même !) tandis que je lisais un magazine d'art il y a quelques années. Ma vie, à cette époque, n'était qu'une immense atrophie dont le seul luxe était une intense, furibonde, sincère rêverie ! Cette oeuvre, donc, résonnait en moi d'une façon particulièrement intime ; mais si l'on exclut l'observateur subjectif que je suis, cette toile est en soi vraiment perçante, très originale. C'est un contraste vertigineux. D'abord, la mort, ou ce qui a l'apparence de la mort ; et le rêve, ou du moins ce qui a l'apparence du rêve, c'est-à-dire un ciel miraculeusement étoilé. Les suggestions sont nombreuses ; et même le moribond (ou celui qui est déjà mort ?) semble les éprouver.


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